TWIN PEAKS

Maintenant quand je vais à des rendez vous du bon coin
Toutes les banlieues d'Ile de France me font penser à Twin Peaks
Les quartiers pavillonnaires la nuit
Y a vraiment quelque chose
Je trouve

En fait je trouve que Twin Peaks reussit vraiment à faire sentir cette tension entre normalité et horreur, la perfect life finalement, les gens biens qui sont peut être des monstres, et ce paradoxe entre une apparence bienveillante et rassurante et une possible violence intérieure s'incarne aussi bien dans les personnages que dans les décors, la ville de Twin Peaks à l'image de ses habitants, et l'existence de ces gens de biens s'expriment autant dans l'architecture pavillonnaire américaine que dans leur façon de s'habiller et de parler, d'ailleurs l'esprit Bob est incarné par un personnage qui n'appartient pas à ce groupe la, il paraît plus sauvage que bien civilisé, veste en jean cheveux long et sale ca m'évoque plus un genre de routier ou de travailleur, d'une classe plus populaire, j'ai l'impression qu'il pourrait même physiquement incarné la menace du milieu bourgeois, le voyou bandit rock qui a soif d'aventure qui n'a pas de limite et qui va pervertir la jeunesse, d'ailleurs sex drogues rock n roll c'est bien incarné par la scène dans le bar avec Laura Donna Jacques Renault et les deux gars dans le film Fire Walk With Me, c'est vraiment une partie de la personnalité de Laura qui est attiré par ça autant qu'une autre qui aime se rassurer par les valeurs de son milieu d'origine (l'amitié, l'amour, l'entraide, le bien commun)
Laura évoque pas la perfect life pour moi parce qu'elle est justement tout le temps en train de faire des aller retour entre les différentes directions de sa personnalité, son entourage le sait (Donna qui la suit au bar, Bobby qui prend de la drogue avec elle, le garçon aux orchidées et Jacoby avec qui elle parle...), elle exprime cette contradiction, même si pleins de personnes qui la connaissent moins ont une image plus figés d'elle
Quand je marche dans des quartiers pavillonnaires la nuit je retrouve cette normalité apparente, il n'y a personne dans les rues, pas de voitures qui roulent, les gens sont déjà rentrés chez eux, il y a justes les facades des maisons éclairée et ça fait comme des visages de normalité alignés à l'infini dans un labyrinthe ou tout se ressemble, il n'y a pas de commerces pas de jardins pas de bâtiment publics, déjà cest bizarre d'y marcher ça a l'air bcp plus fait pour les voitures, cest fait pour rentrer chez soi, pas pour se balader, du coup en me baladant la je me sens comme un intrus, parce que je rentre pas chez moi et que je connais personne du quartier, j'aime bien parce que ça active tout de suite mon mode enquêteur, je suis sur les gardes, cest trop calme, trop normal, tout est louche
Les quartiers pavillonnaires la nuit c'est un décor qui me fait imaginer pleins de choses, il y a pleins de détails qui attirent mon attention, je sais pas comment dire, cest comme si je notais pleins de choses comme si ça pouvait être des détails important pour des enquêtes possibles pour quelque chose de grave qui pourrait se passer ici et qui est peut être en train de se passer, mais que je ne peux pas voir parce que tout est caché derrière la façade de ces maisons normales

En fait ce truc de batiments sans activité humaine la nuit, avec parfois les logos des marque éclairé sur un mur le reste éteint ou éclairé pour que les gardiens de nuit puisse faire leur garde, ça me faisait penser à une certaine façon de créer de l'imaginaire chez Lynch, dans la saison 3 de TP c'est très fort, quand il filme certaines choses certains détails avec une attention particulière

Je restais devant un batiment comme si j'étais la caméra et plus j'attendais en fixant un détail plus j'avais l'impression que du sens et du mystere s'en dégageait

Comme s'il y avait quelque chose d'anormal à fixer quelque chose, ou plutot le fait de fixer quelque chose indiquait qu'il y avait une raison de fixer cette chose

Ca me parait marcher surtout dans le cadre d'une fiction en fait

Quand le spectateur est dans une position où il essaye de comprendre le sens de l'histoire, de noter les éléments qu'on lui présente comme des clés possibles pour comprendre l'intrigue

Comme le principe du fusil de Tchekhov

"Le fusil de Tchekhov est un principe dramaturgique, attribué au dramaturge russe Anton Tchekhov, dans lequel chaque détail mémorable dans un récit de fiction doit être nécessaire et irremplaçable et où aucun de ces éléments ne peut être supprimé"

C'est un principe super connu et que les spectateurs ont intégré même sans connaitre son nom

Genre toi t'es super forte pour deviner la suite de l'intrigue de certains fims à partir d'un détail

Parce que comme tu disais tu avais pleins de films de suspense d'enquete etc

Et du coup le truc fort avec Lynch je trouve qu'il détourne ce principe

C'est qu'il*

Pour en faire quelque chose d'irrésolu

Ils nous montrent des choses mais il ne veut pas nous dire pourquoi il nous les montre

Ca me rappelle ces images que je peux voir en rêve que je ne comprends mais dont j'ai le sentiment que leur sens est fort

Qu'il y a quelque chose derriere cette image de peut etre important

Pour moi

Essayer de comprendre ses rêves c'est un peu comme une enquête sur soi meme

Il peut y avoir ce sentiment d'être une énigme pour soi

C'est vraiment une thématique forte dans Twin Peaks d'ailleurs

Soi et son double intérieur

Chez Laura

Mais aussi le principe des doppleganger

Le fait de doubler des personnages comme Cooper où il y a physiquement deux personnes différentes c'est marrant parce que c'est vraiment très explicite par rapport à ce truc de dualité intérieure mais en meme c'est fort parce que ça rend la question très tangible réel importante vitale même

A l'intérieur du monde de Twin Peaks

C'est même le probleme numéro 1 de l'intrigue de la saison 3

La multiplicité du "je" ça me met parfois dans des situations assez proches, genre j'ai vécu un certain temps d'une certaine façon, à un moment je change de référentiel ou de mode de vie, et j'ai l'impression que c'est un autre moi qui vivait et qui faisait disait toutes ces choses

On en a bcp parlé par rapport à notre vie avant cergy, mais j'ai l'impression que c'est quelque chose qui est un peu tout le temps présent pour moi à des degrés d'intensité différents

c'est un peu comme si en ce moment j'avias envie de constuire un Je un peu plus fort que les autres pour quelqu'un soit à la barre

Les métaphores marines

La honte

Et c'est aussi ça que j'aime beaucoup dans Twin Peaks, comment l'introspection est une voie aussi puissante que la sociologie l'histoire la politique etc pour comprendre le monde

Cooper résoud ses enquêtes en se basant sur ses rêves quoi!

C'est trop beau

Et comment autour du meurtre de Laura pleins de personnages commencent à remettre en question ce qu'ils pensaient croire

De leurs amis de leurs voisins d'eux meme

C'est toute la ville qui enquete sur elle meme

ou presque

Il y a un peu deux camps

Ceux pour qui la mort de Laura remet des choses en question

Et d'autres pour qui c'est normal qu'elle soit morte et qui continuent ce qu'ils faisaient avant

Et c'est comme si le meurtre de Laura révélait le gap entre ces deux visions du monde

C'est le genre d'événement par rapport auquel les gens sont obligés de prendre position

Et on voit leur position dans leur façon de vivre après la mort de Laura

Et c'est justement parce que Laura avait une place dans la vie de tout le monde, chez les gens "dans les clous" comme chez les hors la loi", que personne ne peut y échapper

C'est vraiment pour ça que ce personnage existe

Pour révéler les choix de vie et de vision du monde chez tous les autres personnages de la série

C'est malin

ahah

Oui c’est exactement ça pour les films d’enquêtes, à chaises fois il y a la réponse à notre énigme devant nous mais il faut la trouver alors on s’attarde sur chaque choses pcq tout devient important et à sa place. C’est ce que j’aime tellement, on a un regard différent et c’est vrai que Lynch joue bcp avec ça, et on sait plus ou moins que ce qu’il nous montre ne nous mènera pas à la réponse, mais ça marche et on aime voir ses images, s’attarder sur un collier ridicule qui devient un objet d’enquête et à travers duquel on découvre des histoires etc. Pcq n’importe quel chose qui nous montre est très très important puisque l’on ne voit presque rien de l’extérieur, on voit énormément les personnages et leur pensées, leur vie, ce qui les touche, ou ils vivent et leur habitudes mais on ne voit rien du reste. On est dans une bulle et elle est déjà très remplie et rien qu’à l’intérieur de cette bulle si l’on découvrir qlq chose d’extérieur et que l’on attenendait pas on ne sait pas ou ça va nous mener et ça débloque encore plus d’imagination. Il arrive à nous mettre dans un état de concentration et de captivation assez fou.
Pcq tout est si bien pense que l’on est obligé de le voir, il nous guide totalement dans son chemin de pensé j’ai l’impression. Ce n’est pas comme d’autres films où on voit au loin un indice sur un plan et à la fin on nous dit « hé oui vous avez vu à ce moment c’était là et c’est la solution »
Là il nous montre tout ce que lui voit. Ce qui fait énormément de contenu et c’est très dense. Mais il nous met au même niveau que tous les personnages et il ne se met pas en position de « j’ai écrit ce truc je suis un génie je sais tout » haha je ne sais pas comment l’expliquer mais il nous guide vrmt comme un chemin de pensé alors parfois on fait fausse route ou on abandonne une idée mais c’est grâce à ça que l’on arrive ici alors tout est important
Enfin j’ai l’impression

Oui je vois tout à fait ce truc d'accorder de l'importance à tout, et d'être dans un tunnel où l'on avance à tatons en découvrant chaque chose au fur et à mesure (j'ai l'image de la lampe torche qui balaye l'obscurité et tombe sur quelque chose) comme des indices potentiels sur ce qu'on découvrira peut etre au bout du tunnel, le tunnel c'est une image que j'aime bcp, je l'ai retrouvé dans un club des 5 pendant les vacances haha mais c'était super justement, c'est un lieu métaphore tres fort je trouve, par exemple l'idée que s'enfoncer dans le tunnel t'éloigne de l'entrée ça m'évoque chez Lynch la confiance que je peux avoir en lui, qui me donne envie de continuer à avancer malgré l'obscurité (de son récit) pour voir s'il y a quelque chose au bout de tout ça, et en même tout en sachant que ce que je trouverais ne sera pas quelque chose de tangible (comme une information qui lève le voile sur tout le mystere et les questions que je me posais), il y a un vrai truc de suspense autour de qui a tué Laura Palmer, mais le fait que Lynch ait continué la série avec la saison 3 (en considérant que les episodes de la saison 2 apres la révélation Lealand = Bob sans Lynch soit un peu un égarement de la série) montre bien que tout ne reposait pas sur ce mystere du tueur et même que ce n'était qu'un prétexte, justement une lumière au bout du tunnel qui donne envie d'avancer en se disant que tout sera révélé à la fin et qu'on pourra expliquer l'horreur de la mort de Laura (et peut etre meme répondre à la question de l'origine du mal) sauf qu'évidemment c'est plutôt l'inverse, ça plonge encore plus dans les ténèbres (cf. la derniere image du dernier episode de la saison 2) et la saison 3 va vraiment dans ce sens, "Something is missing", c'est vrai que tout parait au ralenti, comme si le monde continuait a tourner mecaniquement mais qu'il manquait une étincelle de quelque chose, à l'image de Dougie qui se reveille dans un état létargique, et la lumière au bout du tunnel (qui me donne encore envie d'avancer dans le monde sombre que Lynch présente) comme avec Cooper dans la saison 1 là je la trouve aussi avec lui mais dans les yeux de Dougie, le plaisir de réapprendre et de redécouvrir le monde, alors que tout va mal autour de lui, et le Twin Peaks d'avant, qu'on a connu dans la saison 1, où l'espoir et la bonté existait, j'ai l'impression de le sentir à travers ce personnage de Dougie, comme si cette image de Twin Peaks s'était effacé en 25 ans, et qu'elle ne pouvait pas revenir tel quel, trop de choses ont changé dans notre monde à nous, où une forme de naïveté et de confiance dans les choses et dans les gens aurait disparu (à débattre mais en tout cas du point de vue de Lynch, dans sa vision du monde), et contrairement à beaucoup de fictions dont on peut deviner que ça sera soit une happy ending (americain way of life) soit un dénoument tragique (au sens classique de la tragédie au theatre, un dénoument qui résoud les questions et les intrigues posées dans la pièce par la mort, la punition des dieux) et dans les deux cas une fin moraliste, chez Lynch je trouve que c'est vraiment impossible de deviner parce que lui meme ne donne pas l'impression de savoir ce qu'il y a bout de ce qu'il cherche, puisque justement il le cherche, c'est un peu comme si on était dans le meme bateau que lui, et qu'on pouvait suivre ces descentes aux enfers comme ses montées d'optimisme d'espoir et de joie, il y a pas de conclusion possible à une histoire qui n'en est pas une, qui a l'apparence d'une histoire qui utilise certains codes de la narration pour nous proposer de suivre le chemin de pensées de quelqu'un qui cherche quelque chose

En fait quand je disais c'est possible de faire un film avec une intrigue captivante et une forme expérimentale etc c'est parce qu'en pensant à Twin Peaks ça me donne envie de chercher mes/nos propres moyens pour arriver à cette équilibre que je trouve incroyablement réussi chez Lynch, et qui est une forme de synthèse entre ses différentes influences, de la série B au cinéma expérimentale en passant par la peinture et la musique ambiant, et finalement comme nous avec les série netflix nulle en passant par notre kiffe des films d'enquete notre interet pour les chansons d'amour jusqu'à des choses plus expérimentales qu'on a rencontré en trainant aux beaux arts (pour schématiser) on peut pas dire qu'on a une passion très clair comme d'autres mais plutot qu'on cherche quelque chose à travers pleins de formes différentes de médis différents

Et d'ailleurs je trouve que le film des salles de bains est carrément le début de quelque chose comme ça !

Je l'aime beaucoup pour ça, il me laisse imaginer pleins de possibilités de trucs de narrations, d'endroits où chercher des façons de raconter des histoires en suivant son instint et les images qui nous viennent en tête

Dans ce truc de synthèse des influences il y a aussi l'idée de ne pas viser un public en particulier, mais tous les publics qui pourraient se retrouver dans quelque chose de la série, qu'ils soient attirés par l'aspect série policière à suspense ou la série sentimentale ou par la réputation expérimentale du cinéma de Lynch, il y a pleins de portes d'entrées dans Twin Peaks pour que des gens très différents trouvent quelque chose à quoi se raccrocher pour continuer malgré les bizarreries de la série ou justement ce mélange des genres et d'influences, ça peut meme faire découvrir aux gens des aspects des genres évoquées qu'ils ne pensaient ne pas aimer parce que là c'est amené d'une autre façon ou mêlés à d'autres choses qu'ils aiment déjà

En fait j'aime bcp ce truc de déclarations d'amour aux genres, il y a quelque chose de très respectueux et sincère de faire directement référence à des choses qu'on aime dans ces propres objets

Surtout quand c'est dans l'ADN de la série, plutôt que juste des clins d'oeil

En fait j'aime pas du tout les clins d'oeil dans les films, ou dans les fictions en général, ça crée des genres de blagues à l'intérieur de la fiction qui me font sortir du récit tout ça pour dire un truc nul, "hé on connait les memes choses"

Alors que des parti pris de forme qui évoquent des genres ou même qui s'y installent pour mieux les détourner, c'est trop bien

C'est super pour créer de la surprise

Qd tu dis "Mais il nous met au même niveau que tous les personnages et il ne se met pas en position de « j’ai écrit ce truc je suis un génie je sais tout »" je suis mega d'accord
En fait il a pas ce truc de vouloir nous convaincre tout le temps que l'histoire qu'il raconte est vraiment tres importante, ou que les images qu'ils fabriquent font vraiment de bcp de sens, parce qu'il déroulem pas un discours préécrit, un plan parfait, c'est pas un mastermind de son film, il est presque aussi spectateur de ses visions que nous, t'as raison c'est super important parce que du coup nos attentes ne sont pas les mêmes qu'envers quelqu'un qui nous proposerait un film spectacle pleins de tours de magies, pour nous en foutre pleins la vue, et nous on essaye pas tout le temps de comprendre les trucs de ces tours, c'est pas la compet a qui sera le plus malin des deux
C'est vraiment comme quelqun qui raconte super bien un tres long rêve